Candeur
Ma mère mobserve dun il désespéré. Elle aimerait que je lassure de mon soutien et de ma compassion. Ma simple présence ne suffit pas à la réconforter. Elle attend que je prononce des mots qui lui feraient du bien. Ainsi recroquevillée sur sa chaise, le dos voûté comme une croisée dogives, elle ne minspire plus quun dégoût légitime. Je ne peux croire que cette vieille femme à la peau sèche et ridée, aux pensées séniles et artificielles, mait un jour expulsé de son corps. Quelle souffre avant de mourir constitue mon unique et ultime désir. Elle me fixe en espérant de toute sa force que je lui parle de mon père comme dun être que jai aimé. Elle voudrait que je lui ressuscite un homme froid et mauvais, cruel et méprisant. Il a été enterré il y a un mois tout juste et ma mère ne shabitue pas à la solitude. Elle aurait tout donné pour séteindre au même instant que lui et ne pas vivre les nuits qui ont suivi. Elle le vénère avec une puissance que je ne peux décemment pas comprendre. Humiliée jusque dans sa chair, elle lui a sacrifié sa vie, sa fierté et son fils unique. Elle compte sur moi pour atténuer le chagrin qui la ronge comme un virus destructeur. Je me venge aujourdhui de sa passivité et de ses silences, de son inhumanité et de sa mesquinerie. Je tiens à ce quelle sache que celui quelle aime était un être nuisible et détestable. Souiller le souvenir de cet homme est aussi jouissif que de voir le visage de ma génitrice se décomposer sous laffront de linjure. Je veux quelle soude ses paumes lune contre lautre en me suppliant de me taire. Je souhaite que, sur ses joues mortes, roulent des larmes de sang. Je prie pour que cette insupportable vérité la fasse hurler de douleur avant de la tuer.
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